LA CRISE DE TROP
Frédéric Lordon
Alors même qu’elle n’a pas encore épuisé ses développements propres, la crise financière s’est déjà dépassée elle-même. Elle s’est dépassée économiquement en une récession meurtrière. Elle s’est dépassée politiquement car le dérèglement financier finit par apparaître pour ce qu’il est vraiment : le symptôme d’un dérèglement d’une tout autre nature et d’une tout autre échelle. C’est un modèle d’ensemble qu’une sorte de «catalyse par les points extrêmes» rend d’un coup visible, et surtout odieux. Comment la société a-t-elle pu tolérer si longtemps de tels niveaux d’inégalités ? Pourquoi a-t-il fallu atteindre le point d’obscénité de l’enrichissement de la finance pour produire enfin une mise en question ? Quelles forces ont oeuvré si longtemps à installer et défendre pareille configuration du capitalisme ?
Et aussi, maintenant, quelles sont les voies de sortie, à quelles transformations radicales faut-il procéder ? Le livre fait des propositions. De la refonte totale des structures bancaires en un «système socialisé du crédit» jusqu’au desserrement des deux contraintes qui écrasent le salariat – celle de la rentabilité actionnariale et celle de la concurrence internationale sans rivage -, il s’agit de saisir l’opportunité historique d’une «nouvelle donne», seule à même de dénouer une crise sociale extrême. Frédéric Lordon nous livre ainsi au fil des pages ses propositions générales, en même temps que son dégoût, aux accents de procureur, des banquiers, des traders, des économistes, des journalistes, des hommes politiques de la gauche (socialiste), des commissaires européens, etc. Ils ne lui inspirent que nausées, une volonté d’être le porte-parole de ceux qui ont “envie de tout casser”, voire pour “les grands malades qui ont rendu cette Europe irréparable (…) de les sortir à coup de lattes dans le train”. Une posture et un ton qui rendent difficiles le débat et la recherche de compromis. Ce qui n’est pas un véritable souci pour l’auteur, qui semble moins tenté de changer le monde que d’y mettre le feu.
Frédéric Lordon est directeur de recherche au CNRS ; ses travaux portent sur le capitalisme financiarisé. Il développe également un programme de recherche spinoziste en sciences sociales. Derniers ouvrages publiés : Conflits et pouvoirs dans les institutions du capitalisme (dir). Presses de Sciences Po, 2008 ; Jusqu’à quand ? Pour en finir avec les crises financières, Raisons d’agir, 2008.
Editeur : Fayard – 2009 – 303 pages
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